Épiphanie - lettre #1
A vous qui posez vos yeux sur ces lignes,
La vie m’invite à explorer des territoires fermés par des croyances en béton. La première porte, celle de ma vulnérabilité, s’est ouverte à la dynamite. Ma plus grande vulnérabilité a été de croire en mon invulnérabilité. L’écriture est cette ligne qui me permet d’explorer la lisière entre réalité et fiction.
C’est un médecin qui m’a prescrit l’écriture. À ce moment-là, je ne comprenais pas cet acharnement. Pourquoi analyser mes pensées ? Depuis un silence profond, mes premiers mots ont surgi, comme si je marchais dans un tunnel noir d’encre.
L’écriture est devenue le fil qui coud, enlace les lettres et referme la plaie. À l’école, on m’avait appris à broder. La vie m’apprenait à coudre, à assembler et à réparer les déchirures. Pas d’ornement, juste suturer à point d’encre les pages de mon cahier, traçant une carte de mes cicatrices.
L’idée d’un manuscrit est venue plus tard. “Je ne te pensais pas si fragile.” Cette phrase, qui m’a poignardée, s’est imposée comme titre. Le manuscrit a rencontré les éditions Eyrolles : le roman fut publié. L’écriture ne m’a plus quitté.
2025, rebaptisée année de la santé mentale : devons-nous nous réjouir de cette prise de conscience ou nous indigner ? “Je ne te pensais pas si fragile” a été finaliste du prix du roman d’entreprise en 2021. Que reste-t-il des mots posés sur les maux ?
Cette semaine, j’ai été bouleversée par le geste d’un contact LinkedIn. Philippe a tenté de se suicider suite à la non-reconnaissance par le tribunal des prud’hommes de faits de harcèlement. Traverser l’absurde et franchir le sommet du non-sens demande un courage inouï à celui qui a soif de justice. Pour avoir effectué une telle traversée, il m’est impossible de taire l’écho qu’a réveillé ce post.
Je relis un passage du livre “Le Prophète” de Khalil Gibran.“Vous pouvez voiler le tambour et vous pouvez délier les cordes de la lyre, mais qui pourra interdire à l'alouette de chanter ?” Murmurer cette phrase en silence, ressentir la pulsion d’écrire comme une sève qui encre les mots. Elle est la pure manifestation de la vie. Elle me rappelle que ce qui est important, c’est ce qui est vivant et pas ce qui a été décidé. J’écris pour y voir clair. Le mouvement de l’écriture comme un moment d’épiphanie.
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